C'était fou ce que les Samedis pouvaient mettre du temps à venir. Pauvres élèves que nous étions, nous avions bien besoin d'un peu de repos, qui n'arrivait qu'après une semaine de dur labeur. Pendant ce temps là, je ne regrettais pas le temps perdu à regarder les mouches volées, ou juste un peu... j'étais surtout frustrée de ne pas pouvoir approcher Skydancer, ses gros sabots salissant tout. Il y avait bien heureusement l'exception des matières basées sur les Pokémon, mais elles étaient bien trop peu nombreuses à mon goût. Et puis, quand bien même venait l'après-midi, j'étais bien trop vannée ou déprimée pour jouer avec le poney en manque d'action. Il n'y avait vraiment que le week-end que je pouvais passer du temps avec lui. Ça me faisait mal au cœur, sans compter que lui aussi devait s'ennuyer au fond de sa pokéball.
Pour cette raison, je le laissais toujours en liberté lorsque j'en avais l'occasion. Résultat : il commençait à bien se faire connaître de l'académie. Il adorait galoper vers les dresseuses pour réclamer des câlins. Et moi, tout le monde me connaissait de vue... pas facile de passer inaperçu aussi avec des cheveux pétants et un Ponyta trop social. Ça me foutait un peu les jetons parfois d'avoir des regards rivés sur moi alors qu'aucun élève du coin ne m'avait jamais adressé la parole en dehors des cours.

Skydancer était heureux quand il pouvait courir librement. On l'entendait hennir. Parfois on souriait, parfois on se demandait ce que faisait Findus. Là, entre le vent qui éloignait ses cris et surtout la distance qui le séparait des autres humains, il ne dérangeait pas grand monde. Lorsqu'il glapit, je fus même la seule à regarder ce qu'il pouvait bien se passer. Qu'est-ce qui avait bien pu faire peur à mon poney chéri ?
Après quelques pas, je remarquai une silhouette violet sombre qui glissait sur le sol. Trop gros pour être un Rattata ninja, trop petit pour être un Tadmorv. C'était un Abo, si je ne m'abusais. Je n'avais jamais aimé les serpents. Pas par phobie... je les trouvais juste sans intérêt. Et puis, le dompteur de serpents de mon cirque m'avait traumatisé à vie de ces bestioles. Il était juste complètement cinglé. Il croyait pouvoir communiquer avec ses amours même en dehors de son numéro. Je n'avais pas envie de finir comme lui à force d'élever des vers de terre géants.

Skydancer, écrase cette chose !

Bien qu'impressionné, je savais que le poulain n'attendait que mon ordre pour attaquer. Même s'il n'était pas très bien entraîné, un petit coup de sabot allait bien effrayer cet affreux jojo loin des autres élèves. En particulier celle qui somnolait près du boa. Celle-là risquait de ne pas faire long feu... Je m'approchai d'elle en courant, espérant que le Ponyta soit bien en train de régler le compte du serpent, et lui saisis le bras, l'incitant à se lever.

Qu'est-ce que tu fiches ? Tu veux te faire bouffer la tête ?!

J'avais du être un chouïa trop brutale. La jeune fille s'était relevée en sursaut et me contemplait les yeux ronds comme des soucoupes. Elle n'avait pas l'air de bien comprendre. Skydancer se chargea de lui faire comprendre la situation en hennissant de plus belle. Elle tourna la tête au moment où il donnait le coup de grâce. Terrifié, l'Abo s'en allait s'en demander son reste. Fier de lui, le poney me rejoint en piaffant. La dresseuse, en revanche, n'était pas fière. Elle devait se sentir bête de ne pas avoir remarqué le serpent qui s'approchait d'elle, pourtant pas très discret avec le bruit qu'il faisait dans l'herbe. Se mettre dans cet état pour ça... elle aurait mieux fait de se réjouir d'être en un seul morceau.

Merci ..je te dois la vie..je m'appelle Tamao Suzumi et toi?
Remercie plutôt Skydancer, c'est lui qui a tout fait.

Je désignai alors le poulain, me penchant vers lui et flattant son encolure. Il gardait la tête haute, les yeux fermés, satisfait. Il adorait être au centre de l'attention. Son attitude de héros n'était pas vraiment étonnante. Cela me faisait plus sourire qu'autre chose de toute façon de le voir content comme ça.

Moi c'est Emilia.

Je ne divulguais pas mon nom de famille. Je trouvais ça ridicule de donner son identité complète entre élèves. On avait presque le même âge non ? À quoi bon toutes ces politesses. C'était peut être pour ce genre de réflexions que personne ne pouvait me supporter, mais je ne comptais pas changer pour autant. Je trouvais que j'avais déjà fait mon boulot en lui répondant. Ils n'étaient pas rares, les pauvres types que j'avais ignorés lorsqu'ils m'avaient demandé "qui pouvait être cette charmante demoiselle". D'ailleurs, la plupart d'entre eux s'étaient mangé un sabot sur le pied par "accident".

Et elle c'est Minidraco.

Je n'eus aucune surprise : le pokémon sus-cité sortit de sa pokéball. Je trouvais ça tellement étrange de ne pas donner de surnom à ses compagnons. Ca les animalisait trop à mon goût. Nos compagnons ne méritaient-ils pas d'identité ? Sans compter que c'était ce qui différenciait les spécimens d'une même espèce. Quoique... je ne savais pas ce qui était le pire entre ceux qui conservaient le nom de la race de leur monstre et les millions d'Hélionceaux surnommés Simba...
Était-ce mon regard dubitatif qui la faisait me dévisager comme ça ? Je venais effectivement de remarquer ses yeux posés sur moi... avais-je pensé trop fort ?

Excuse moi mais il est rare que je voie des gens aux cheveux originaux comme moi.

Évidemment. Ce n'était pas la première fois qu'on me faisait une réflexion sur mes cheveux... au moins, celle-là avait le mérite d'être sympathique. Et puis, cette fille avait un petit air triste en disant ça. Elle avait du en prendre plein la figure avec sa tignasse bleue. Ayant vécu dans un cirque, la couleur rose de ma coiffure rendait plutôt bien dans le décor. Il devait en être autrement quand on était plus normal. En plus, je trouvais ça amusant d'être assortie à mon Ponyta avec cette teinte évoquant les dresseurs amateurs de pokémon Feu. Elle aussi, d'ailleurs, avait un air de famille avec son bébé dragon. Drôle de coïncidence, j'en tirai même un léger sourire.

C'est vrai que ça court pas les rues les filles au cheveux bleus... mais avec ma tête à moi, je vais pas m'plaindre. Et puis des types aux cheveux bleus, verts, jaune à pois... j'en ai vu plus d'un dans ma vie, à côté t'es plutôt transparente.

J'avais hérité cette étrange couleur de cheveux de ma mère. J'avais vu plus d'un clown avec des coupes afro multicolores... sans compter ces punks bourrés ressemblant à un balai-brosse qui essayaient d'entrer dans la ménagerie pour "titiller les Némélios", comme ils disaient. Aussi, j'avais à peine remarqué ce détail chez l'élève qui se tenait devant moi. J'avais du mal à concevoir que j'étais l'une des rares personnes qu'elle avait vu avec un physique original...

La fille aux cheveux bleus m'écouta sans m'interrompre. Ce n'était pas plus mal. Même s'il m'arrivait de couper la parole aux gens, je ne supportais pas qu'ils fassent de même avec moi. Un peu égoïste, certes, mais ça ne m'a jamais empêché de vivre. En attendant que j'aie fini de déballer ma vie, elle jouait avec sa robe. Je n'y avais pas encore fait attention, d'ailleurs, mais cet habit était plutôt original. Ce n'était pas le genre de vêtements que l'on porte tous les jours, une robe discrète et pâle. Plutôt noire, pas très joyeux, qui aurait pu la faire passer pour une emo dépressive sans son visage de gamine.

Dis tu viens de où ?

Cette question, sans rapport avec la précédente discussion, me surprit un peu. Pourquoi parler de ça d'un coup ? Un coup de blues ? Le mal du pays ? Pour ma part, je ne me souvenais plus exactement quelle était ma région d'origine. Depuis ma naissance, j'avais été trimballée dans toutes les régions du monde.. alors connaître la ville exacte, j'en étais loin. De plus, d'après ce que j'avais pu comprendre, mon père était né près de Rosalia, à Jotho, et avait rencontré ma mère dans je-ne-sais quel coin paumé de Kalos. Quant à mes plus anciens souvenirs, je les situait à...

Je suis née à Hoenn, enfin je crois... mais j'ai beaucoup voyagé...

Déjà, elle me répondait. Eh bien ! Elle n'était pas timide cette fille !

Moi je viens d’Ébènelle, tu connais ? C'est la ville des dragons à Kano.

Moi qui avais toujours été persuadée qu’Ébènelle se situait à Jotho... j'en apprenais tous les jours... enfin, il était vrai que, les régions de Kanto et Jotho étant très proches et séparées par la même Ligue Pokémon, on pouvait considérer les deux comme une seule.
Honnêtement, ça ne m'étonnait pas du tout qu'elle vienne de là-bas. Minidraco n'était pas une bestiole très répandue. On en trouvait avec beaucoup de chances dans certains lacs de certaines régions, mais plus facilement dans l'Antre du Dragon.
Alors que je ne répondais pas, elle s'approchait de Skydancer. Il ne recula pas. Il avait bien remarquée que cette élève ne pouvait pas être une ennemie. Avec une tête pareille, qui pouvait être méchant de toute façon ?

Emilia tu veux bien que nous soyions amies? je suis un peu seule et je t'aime bien.

Voilà qui était une déclaration plutôt brusque, qui avait le mérite d'être claire. Je la connaissais à peine cette fille. Je l'avais juste sauvée de l'amputation gratuite d'un bras, et échangé quelques mots avec elle. Elle disait qu'elle m'aimait bien. Que savait-elle de moi ? Elle ne m'avait supportée que quelques minutes. èA la longue, on ne peut que me trouver barbante ou associale, on dit que je ne fais aucun effort pour mes amis. Si c'était pour encore me bouffer des reproches du genre...

Pourquoi pas, j'ai rien à y perdre. Pis t'as pas l'air méchante.

Ces mots s'étaient échappés de ma bouche presque contre mon gré. Je m'étais emportée... en même temps, j'avais tellement peu de liens sociaux à l'académie... il avait fallu que je me force un peu. Et puis, comme je l'avais si bien dit, elle n'avait pas l'air méchante. Il ne faut jamais se fier aux apparences, je le sais, mais il y a toujours une exception à la règle non ?